Introduction
 


Edito

 

Voilà, c'est fini. La grande foire cannoise s'est achevée et Wong Kar-wai est revenu cette fois bredouille de la croisette. Sans que l'on sache au juste ce que nous reserve 2046 son dernier long métrage. Tout avait pourtant bien commencé, fidèle à sa légende Wong Kar-wai ne livrait la dernière bobine que quelques heures avant la projection. Si le film - qui serait une variation autour d'In the Mood for Love - fut longtemps considéré par certains comme le favori pour la palme d'or, nombreux furent également ceux qui n'y virent qu'une ennuyeuse resucée de son prédecesseur... Alors Wong Kar-wai en état de grâce ou en panne d'inspiration ? Il nous faudra nous armer de patience - le film montré à cannes était loin d'être finalisé - avant d'avoir la chance de nous faire une opinion.

Ce festival de Cannes 2004 aura tout de même été marqué par une deferlante asiatique qui tend à prouver que non la politique n'a pas "primé sur l'art" : "Old Boy" de Park Chan-wook Grand Prix du jury, le jeune japonais Yagira Yuuya prix d'interprétation masculine, "Maladie tropicale" de Apichatpong Weerasethakul prix du jury... et bien sûr prix d'interpretation féminine pour Maggie Cheung pour son role dans Clean, le film de son mari Olivier Assayas.
Mais surtout, Cannes aura été marqué par la polémique entourant la palme d'or attribuée à Fahrenheit 9/11 de Michael Moore. Une polémique bien idiote. Mais la polèmique n'est-elle pas pour le journaliste médiocre la seule façon d'exister ?


Il s'en est donc trouvé certains pour s'offusquer du fait que la Palme d'Or n'aurait selon eux pas été attribuée au meilleur film en compétition (mais où donc étaient-ils passés ces dernières années ?) ou pour claironner qu'un documentaire n'a pas sa place à Cannes, au milieu de fictions, seules formes d'art autorisées. Sans doute les mêmes qui s'offusquaient il y a quelques années que l'on puisse decerner un prix à une actrice non-professionnelle. D'autant que ces gens se méprennent. Michael Moore ne réalise pas de "documentaires", il réalise des pamphlets. Des pamphlets salutaires, drôles et profondément humains.

Plus inquietants sont les nombreux éditoriaux qui ont fleuri aux quatre coins du monde, dénonçant un jury qui aurait privilégié la politique à l'art. La politique serait donc incompatible avec l'art. Tiens donc... Et Guernica, messieurs dames, c'est quoi alors ? Faut-il en déduire que "le dictateur" ou "les sentiers de la gloire" n'auraient aujourd'hui pas leur place dans un festival comme Cannes ? L'argument du politique comme enemi de l'art a de quoi laisser bouche bée. Il est aussi absurde que dangereux. Alors pourquoi ce tollé général ?

Bien sûr la personnalité de Moore n'est sans doute pas étrangère à la polémique. On peut detester Moore autant que l'on peut aimer son humour corrosif, pour peu que l'on préfére Charlton Heston à Warren Betty, Arnold Schwarzenegger à Sean Penn ou Chuck Norris à Tim Robbins. La peur d'une incidence sur les élections américaines ? C'est absurde, mais pourquoi pas après tout, on a bien lu en 1995 que c'était les Guignols de l'Info qui avaient fait élire Chirac.

On reproche souvent à Moore le "manque d'objectivité" de ses pamphlets. La critique est assez juste, mais pourquoi exigerait-on du pamphletaire ce que l'on a renoncé à exiger du journaliste pourtant soumis (lui) à un code éthique et déontologique ?

Je suis de ceux qui pensent que toute oeuvre militante est vouée à l'échec si elle est dénuée d'humour, de poésie et d'humanité. Force est de constater que les précédents pamphlets de Moore n'en sont pas dépourvus. Si d'aventure Fahrenheit 9/11 qui sortira sur nos écrans début juillet était sur la forme et le fond aussi mauvais que le prétendent certains, pourquoi ne pas l'attaquer sur ce terrain ?

On peut légitimement se demander si au travers de cette tempete dans un verre d'eau ce n'est pas aussi le président Tarantino que l'on souhaite voire vaciller. Sans doute certaines personnes ignorent-elles que le réalisateur de Reservoir Dogs s'est battu bec et ongle au sein de son propre jury pour attribuer la palme au film sud coréen "Old Boy"...

Et que ceux que les idées de Moore fachent se rassurent, un film n'a jamais changé le monde !

 

In The Mood for Wong Kar-wai - 2004